LIDSF – Chapitre 6.1


Chapitre Précédent | Table des Matières | Chapitre Suivant


Chapitre 6 – Au Temps du Passé

L’attaque de South Hill Pass n’a pas encore débuté pour une raison quelconque. Du moins, pas avant que j’ai été remis sur pied. À vrai dire, je me suis rétabli assez rapidement, ce qui, d’après Murong Yu, est dû au bon médicament qui avait été préparé à l’origine pour lui.

Quoi qu’il en soit, il m’a sauvé la vie et je lui suis redevable.

Je secoue la tête pour essayer de me libérer de toutes ces pensées aléatoires, puis je repose la pile de livres que j’avais dans les bras sur son bureau. Je me retourne ensuite pour partir.

« Han Xin », dit-il sans même lever les yeux et pointe la théière du doigt: « Il n’y a plus de thé. Prépare-en un autre pot, et rappelle-toi, je veux qu’il soit chaud, pas tiède! »

Je commence déjà à le maudire intérieurement.

Qui penses-tu que je suis, Murong Yu? Ton escorte personnelle? Ce n’est pas comme si tu n’en avais pas avant mon arrivée!

Cependant, malgré mon mécontentement, je ramasse le pot avec obéissance. Il lève son regard vers moi avec le sourire, les yeux plissés, comme s’il était satisfait de mon comportement. Je lui lance un sourire narquois et prends congé.

La lumière du soleil se déverse dans des faisceaux d’or brillant à travers les fines couches de nuages qui s’éparpillent sol avec des taches de différentes tailles. Il n’y a personne sur le terrain d’entraînement à part quelques soldats de garde.

Je m’accroupis devant le four et m’éloigne pendant que l’eau bout.

Je le laisse me donner des ordres à cause de cette grande faveur que je lui dois. Cela ne fait même pas encore un jour et je suis devenu son esclave préféré à commander. Je dois le suivre dès qu’il quitte le terrain d’entraînement; quand il mange, je sers; quand il lit des rapports, je lui broie de l’encre; même quand il dort, je dois faire son lit. Si je montrais le moindre signe de réticence, il me lancerait un regard mécontent en aboyant: « Veux-tu retourner en prison à ce point? »

Fixant nonchalamment les flammes qui brûlaient dans le four, je secoue inconsciemment la tête.

Bien sûr que non. Je pense toujours qu’il vaut mieux avoir une certaine liberté que pas du tout, même si cela signifie de se faire continuellement malmener par lui ainsi. Lorsque la vie vous donne des citrons, faites en de la limonade. Ce n’est pas comme si c’était la première fois que je me retrouve dans ce genre de guêpier. De plus, je dois trouver un moyen de m’enfuir de cet endroit…

Je laisse échapper un léger soupir en me rappelant des événements de ces derniers jours.

Vous voyez, j’ai découvert ceci il y a quelque temps, qu’il y avait un garde qui allait secrètement rencontrer sa copine. Je l’avais observé de près pendant plusieurs jours mais juste au moment où je me préparais à exécuter mon plan d’évasion, par une nuit venteuse et sans lune, Murong Yu m’avait arrêté de façon étrange.

« Je ne peux pas dormir. Viens t’asseoir avec moi. »

Son visage avait été dans l’ombre du clair de lune. Je ne pouvais pas distinguer son expression ou déchiffrer le ton de sa voix, alors tout ce que je pouvais faire était de m’étaler nerveusement à côté de lui sur l’herbe. Il avait une robe de nuit blanche. Son visage était baissé et son regard qui était généralement froid et distant avait perdu de cet effet, n’y laissant qu’une solitude glaciale.

Il ne parlait pas et je ne voulais pas le tenter, alors nous sommes restés assis là, dans un silence pénible.

Une brise avait soufflé à travers le champ et balayé les feuilles morte dans l’air, faisant plier les minces brins d’herbes en une danse désolée sous les rayons argentés d’un clair de lune glacé.

Je n’ai aucune idée de ce qui aurait pu rendre un puissant prince héritier comme lui aussi seul. Il est le fils aîné de l’empereur Yan. L’empereur le favorise beaucoup, même si sa mère est décédée très tôt, lui accordant des terres et des propriétés dès son jeune âge. De plus, il a déjà de nombreuses campagnes victorieuses à son actif. De ce fait, il y a de fortes chances qu’il soit celui qui montera sur le trône dans un avenir proche et qui détiendra un pouvoir incroyable et une immense richesse.

Par conséquent, j’ai pensé à ce moment-là: ne devrait-il pas être de bonne humeur à la place et être plus enthousiaste à chaque bataille? Pourquoi se sentirait-il aussi seul?

« Pourquoi tu… me regardes comme ça? »

Sa voix m’a fait sursauter et j’ai vu qu’il a déjà les yeux vers moi alors j’ai rapidement détourné le regard et je me suis concentré sur l’herbe à mes pieds, en essayant de changer de sujet:

« Pourquoi ne pouvez-vous pas dormir à nouveau? »

Je l’ai vu secouer la tête du coin de l’œil avant de me répondre: « Je ne sais pas. Je ne peux pas. C’est étrange. Je m’endormais au moment où ma tête frappe l’oreiller ces nuits-là où le son de la bataille résonnait dans tout le camp mais je ne peux plus m’endormir maintenant que c’est calme et agréable. »

Il a ri et, la forme de ses sourcils s’était adoucie, alors qu’il repoussait des mèches rebelles de ses cheveux. J’ai souri légèrement et je suis resté silencieux. Nous sommes restés ainsi jusqu’à ce que la lune soit haute dans le ciel.

Ce n’est qu’alors qu’il a marmonné: « Il se fait tard. Allons nous coucher. »

Le bruit de l’eau bouillante me fait sortir de ma stupeur. Je tire et tends la main pour verser l’eau chaude dans la casserole, mais j’entends quelque chose derrière moi.

J’esquive instinctivement sur le côté.

Quelque chose effleure mon visage avec un sifflement aigu.

Un piège? Comment se fait-il ne s’est-il pas déclenché auparavant?

Je reste dans le coin pendant un certain temps, mais il ne semble plus y avoir d’activité à l’extérieur, alors je vais y jeter un œil. Après avoir revérifié (plusieurs fois), je sors de ma cachette. Ce n’est que lorsque je me rapproche de la porte que j’y remarque un trou de la taille d’un clou de papier par lequel passe la lumière du soleil.

Je l’étudie pendant un certain temps… Mais je ne trouve rien.

Un peu frustré, je vais vers l’autre mur et en effet je découvre un trou correspondant mais ce n’est qu’après l’avoir étudié pendant longtemps que j’y trouve une aiguille en argent d’environ un pouce de long, épinglant confortablement une petite boule en papier sur ce mur.

C’est une blague. Encore?

Je laisse échapper un rictus.

Le vieux ne peut-il pas utiliser une méthode plus normale? Il veux toujours se montrer mystérieux…

Je ne peux pas m’empêcher de hurler, bien que secrètement dans mon cœur, après avoir lu la note. S’il a plusieurs moyens de me faire parvenir cette note, comment pourrait-il ne pas savoir que je suis étroitement attaché en laisse par Murong Yu et m’emmène pratiquement partout où il va?

Déprimé, je jette la note dans le feu. Les flammes clignotent soudainement mais diminuent à nouveau l’instant d’après. Je décide d’accepter ma condition, de prendre la théière et de sortir en soupirant.


Chapitre Précédent | Table des Matières | Chapitre Suivant


3 commentaires sur “LIDSF – Chapitre 6.1

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.